Depuis le premier boom touristique des années 1960, le fait est que, à quelques exceptions près, comme la pandémie de SRAS COVID-19, le nombre de touristes visitant les îles Baléares chaque année n'a cessé de croître, pour dépasser les 17 millions de voyageurs en 2023.
Cette augmentation du nombre de touristes s'est accompagnée d'une augmentation tout aussi régulière du nombre de lieux touristiques autorisés, atteignant voire dépassant les 600 000 lieux.
Des chiffres a priori alarmants qui, avec les prévisions pour 2024, ont provoqué un débat intense dans la société sur la surpopulation touristique, ses effets et la possibilité d'imposer des limites au tourisme. Il s'agit d'un débat nécessaire, mais qui requiert des données objectives et des mesures permettant de réfléchir et d'adopter des mesures efficaces pour contrôler ses externalités négatives.
La réalité est tellement évidente que plus personne ne doute que nous avons dépassé la capacité de charge. Il y a, d'une part, les résidents et, d'autre part, les touristes. Le nombre de résidents continuera d'augmenter, non pas en raison de la différence entre les naissances et les décès, mais en raison de l'immigration que nous recevons. Les données démographiques montrent une augmentation de la population des îles de plus de 300 000 personnes depuis le début du siècle et les prévisions du Conseil économique et social des Baléares (CES) prévoient une augmentation d'environ 150 000 personnes au cours de la prochaine décennie.
Et c'est là qu'intervient le rôle du législateur autonome qui, malgré l'abondante réglementation produite ces dernières années, n'a pas pu ou n'a pas su apporter une réponse adéquate aux nouvelles réalités existantes, générant une réglementation en de nombreux points ambiguë, dispersée et excessivement complexe, et qui ne s'est pas concrétisée par des résultats appréciables.
Ainsi, les modifications juridiques apportées dans le domaine du tourisme semblent davantage répondre à des besoins spécifiques ou à des problèmes ponctuels qu'à une réglementation adéquate et complète de ce qui constitue le principal moteur de notre économie.
Ainsi, suite à l'abrogation du Plan directeur de l'offre touristique (POOT) par la loi 8/2012 du 19 juillet 2012 sur le tourisme aux Baléares, les Plans territoriaux insulaires et les Plans d'intervention dans les zones touristiques ont été établis comme les instruments idéaux pour réaliser l'aménagement touristique du territoire, Ils permettent d'établir la densité maximale de population, de délimiter les zones et les aires touristiques et de protection, de fixer leurs dimensions et leurs caractéristiques, et d'établir les paramètres minimaux de surface, de volume, de constructibilité et d'équipement, en établissant les exceptions nécessaires. Ces instruments fixeraient le ratio touristique en fonction des caractéristiques particulières des îles et des communes et délimiteraient les zones adaptées aux usages touristiques et aux usages interdépendants.
Suite à la modification de la loi sur le tourisme par la loi 6/2017 du 31 juillet, il a été établi que ces instruments pouvaient également déterminer la limite maximale par île des places-lits dans les hébergements touristiques et la limite maximale des places-lits dans les logements résidentiels pouvant être commercialisés pour le tourisme, en fonction des ressources insulaires existantes, des infrastructures, des densités de population et d'autres paramètres pertinents de leur champ d'application.
Cependant, et malgré l'importance fondamentale de ces instruments pour l'organisation de l'offre touristique, la vérité est que le premier d'entre eux, le PIAT de Minorque, n'a été approuvé qu'en 2018, le PIAT de Majorque étant définitivement approuvé le 16 juillet 2020, et qu'à ce jour, ni celui d'Ibiza ni celui de Formentera n'ont été approuvés.
Le fait que plus de six ans se soient écoulés depuis l'adoption de la loi sur le tourisme et l'abrogation du POOT, sans qu'il y ait eu de réglementation systématique de l'offre touristique, et qu'à ce jour, certaines îles n'aient toujours pas élaboré les plans susmentionnés, est en soi suffisamment révélateur de l'ampleur du problème dans un territoire dont le tourisme est le moteur fondamental.
La question est d'autant plus complexe que les conseils locaux ont repris les compétences en matière de planification et d'urbanisme.
Malgré le temps écoulé, les problèmes restent les mêmes. Nous savons qu'il y a beaucoup de touristes, mais nous ne savons pas exactement combien et comment ils se répartissent et, surtout, quel est leur impact réel sur le territoire et sur la société. De l'avis du soussigné, cette situation est due à deux facteurs. D'une part, le manque préoccupant d'informations objectives et fiables sur des données essentielles (capacité d'accueil, places disponibles, etc.) et, d'autre part, l'inaction des pouvoirs publics pour aborder le phénomène dans une perspective globale et à long terme, une tâche qui semble extrêmement complexe mais, en tout état de cause, nécessaire.
Il est difficile de comprendre qu'à ce jour, malgré le fait qu'il s'agisse d'une donnée de base sur laquelle fonder toute réglementation, la "capacité d'accueil touristique" des îles, entendue comme le nombre maximum de personnes, en l'occurrence de touristes, qu'elles peuvent accueillir, n'est toujours pas connue. Il s'agit d'un concept fondamental qui doit nécessairement être le point de départ de toute réglementation à mettre en œuvre. Malgré cela, la première disposition additionnelle du décret-loi 3/2022 du 11 février a de nouveau "rappelé" aux conseils leur obligation d'évaluer ou de réévaluer la capacité d'accueil de leurs îles, en leur accordant un délai de quatre ans, dont deux se sont déjà écoulés.
Cela dit, il ne fait aucun doute que la loi sur le tourisme articule divers mécanismes d'organisation du tourisme dans les îles. Cependant, les particularités et les caractéristiques de chacun d'entre eux nécessitent un développement adéquat au niveau réglementaire et municipal, qui a brillé par son absence, et les vicissitudes qui sont apparues ont été traitées par le biais de décrets successifs.
Ce manque de données ou d'informations est également prévisible en ce qui concerne le nombre total de places touristiques disponibles qui, l'année dernière, s'élevait à plus de 600 000 places légales. Cependant, la question se pose de savoir quel pourcentage de ces places n'est pas réellement sur le marché. C'est le cas, entre autres, des places correspondant à des complexes d'appartements touristiques qui, bien que devenus résidentiels, sont toujours inscrits dans les registres, ou des établissements obsolètes ou fermés ou dont les propriétaires décident de ne pas les offrir sur le marché (dans le cas de l'hébergement touristique).
Nous pouvons donc constater que le législateur a articulé des instruments qui pourraient être efficaces pour aborder le problème (comme le zonage, la fixation de plafonds pour le nombre de places ou les indices de densité ou d'intensité, entre autres) et qui révèlent qu'il est possible de fixer des limites au tourisme, mais qu'il est extrêmement difficile, voire impossible, d'adopter des mesures efficaces pour atténuer les effets néfastes du tourisme si l'on ne dispose pas de données minimales à partir desquelles on peut commencer.
Bien entendu, il n'est pas possible de limiter le nombre de passagers pour réduire la DEMANDE : le traité de l'Union européenne et ses règles sur la libre circulation des personnes s'y opposent, même s'il serait acceptable, dans le cadre des négociations avec l'UE, de limiter l'acquisition de résidences secondaires aux citoyens européens (non espagnols) qui peuvent prouver un nombre minimum d'années de résidence effective dans les îles Baléares. Dans un récent article de presse, l'ancien ministre Cladera a évoqué la réduction des créneaux horaires à l'aéroport en accord avec AENA, mais les conséquences de cette décision seraient très dangereuses car elles entraîneraient une baisse des prix dans l'offre de logements et une augmentation significative du chômage, raison pour laquelle il a exclu la possibilité d'une telle décision.
Certaines mesures moins agressives et moins lourdes se sont avérées efficaces, comme l'imposition de taxes touristiques (la fameuse écotaxe), la mise en place de systèmes de quotas pour l'accès à certains lieux, la limitation du nombre de voitures de location à Formentera, etc.
Si nous choisissons de réduire l'OFFRE, en suivant les commentaires de l'ancien ministre Cladera, l'outil principal serait l'élimination du stock de lieux touristiques et l'incitation au désenregistrement des bâtiments légaux et des logements à usage touristique. À cette fin, chaque conseil insulaire devrait créer un organisme autonome, agile et proactif chargé d'analyser chaque zone touristique et de négocier avec les parties intéressées. Cet organisme devrait disposer d'un budget alimenté par l'argent collecté par la taxe de séjour touristique, d'ailleurs créée pour des objectifs tels que celui-ci, entre autres. Une fois qu'un accord a été conclu entre l'intéressé et la Commission, le Consell Insular et la mairie doivent se mettre d'accord sur le changement d'utilisation et la destination finale du bâtiment, qui pourrait être, entre autres, la transformation du bâtiment en logement social ou son élimination directe afin de créer des zones éponges.
Et dans le cadre de la politique de réduction de l'OFFRE, on ne peut ignorer la nécessité d'agir avec des moyens suffisants et de manière significative sur l'offre illégale. À cette fin, il est considéré non seulement nécessaire mais essentiel d'augmenter de manière significative le nombre d'équipes d'inspection touristique dans chaque Conseil insulaire, étant donné que, malgré leur renforcement, les ressources sont actuellement rares et que la voyoucratie des prestataires de services est inimaginable et nouvelle chaque jour, et que la lutte contre les services illégaux n'est donc pas totalement efficace.
Les mesures susmentionnées visant à réduire l'offre légale pourraient être adoptées par le biais d'un décret d'ici quelques semaines. Ces mesures seraient compatibles avec la réflexion qui va être menée dans le cadre du Pacte social pour la durabilité économique, sociale et environnementale des îles Baléares, qui a été activé le 22 mai 2024 et dont on peut attendre un rapport pour la fin de l'année 2024.
C'est la combinaison de ces deux actions qui peut garantir, d'une part, la réduction des lieux touristiques et, d'autre part, la création de logements abordables pour les résidents. Si nous y parvenons, nous garantissons des îles Baléares DURABLES, ce qui est l'objectif ultime.
Javier Blas
Avocat, docteur en droit et associé chez Illeslex Abogados
Jaime López
Illeslex Abogados
07-mar-2024 / ARTICULO
2015-02-11
2014-12-22
2014-12-05